Ils se sont connus en 1953 sur les bancs de la Faculté des Sciences de Bordeaux. Ils ont intégré ensemble l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Bordeaux et ne se sont plus quittés. Leur diplôme d’ingénieur en poche en 1956, ils ont complété leur formation par la recherche et ont préparé une thèse de 3e cycle, obtenue pour lui en 1958 et pour elle en 1959. Elle a poursuivi ses travaux dans le cadre du CNRS à Bordeaux jusqu’à l’obtention de sa thèse de doctorat en sciences physiques en 1963.
Mariés en 1957, ils ont eu deux enfants.

Une culture scientifique et un savoir-faire expérimental acquis en commun, une foi commune en la chimie, une même vision des mondes du savoir et de la technique ont sous-tendu leurs parcours professionnels.

En 1959, Bernard est embauché par la SNPA comme ingénieur à l’usine de Lacq, en marche depuis 1957. En 1960, Elisabeth, tout en continuant ses recherches à Bordeaux, abandonne le CNRS pour le Collège Scientifique Universitaire de Pau créé depuis un an à peine. Elle rejoint ainsi Bernard à Pau. Le girondin et la charentaise se retrouvent en Béarn où leurs carrières, lui dans l’industrie, elle à l’Université, se dérouleront intégralement.
Ils vont participer, chacun dans sa voie, aux développements parallèles, à Lacq comme à Pau, de la SNPA puis d’Elf Aquitaine et de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Ils prendront leur retraite, lui en 1993, elle en 1998. Ils auront pu mener pendant plus de 40 années une collaboration université-entreprise convaincue et créatrice, animés d’un sentiment, partagé là encore, de reconnaissance pour le Béarn, la terre d’accueil où ils se sont réalisés, désireux de contribuer à son développement.

Il ne se passait pas de jour qu’ils ne testent leurs idées et leurs stratégies. Il a donné à Elisabeth des clés pour ouvrir le monde universitaire à l’extérieur. Elle a fait connaitre à Bernard le fonctionnement de l’Université. La proximité conjugale a permis de faire se rejoindre et s’apprécier deux mondes géographiquement proches : le monde universitaire palois qui devait répondre aux défis du développement démographique des années 60 et celui d’une industrie confrontée à la maîtrise d’un gaz de haute valeur énergétique et chimique mais dont un des constituants, le sulfure d’hydrogène, posait d’énormes problèmes d’exploitation et de valorisation. Ils ont contribué à leur échelle à l’instauration de liens de confiance réciproque entre le milieu universitaire des enseignants-chercheurs, peu enclin à collaborer avec l’industrie et celui des ingénieurs des centres de recherche, peu soucieux de consacrer du temps aux recherches académiques. D’un côté le long terme de la recherche fondamentale, de l’autre une recherche à plus court terme avec les impératifs du résultat applicable rapidement au développement d’une entité industrielle très exceptionnelle.

Leur mérite a été de faire se rejoindre les logiques et les dynamiques si différentes de l’université et de l’industrie. D’un côté peu de moyens mais du temps et une grande liberté d’action, de l’autre des moyens certes mais des contraintes lourdes : «il faut que ça marche et vite !».

Les pôles où ils ont pu œuvrer en commun : la recherche, la pédagogie, l’enseignement et la formation permanente. Trois domaines d’application : le soufre et la thiochimie, la photochimie, les hydrocarbures. De nombreux contrats de recherche ont été établis entre le Laboratoire de Chimie Structurale de l’UPPA et le Centre de Recherches de Lacq. Dans le cadre de ces contrats, la chimie théorique a su faire reconnaître son intérêt auprès des chercheurs de Lacq et de Pau. L’application de la photochimie aux synthèses industrielles pilotée par Bernard à Elf Aquitaine a inspiré la création par Elisabeth d’un Groupe de Photochimie au sein du Laboratoire de Chimie Structurale de l’UPPA. Elisabeth a pu enrichir ses cours de chimie industrielle des données de première main fournies par l’usine de Lacq. Si le Pilote Pédagogique de conduite en sécurité des installations mis en place par Bernard à l’usine de Lacq accueillait aussi régulièrement des étudiants de l’UPPA, c’est qu’Elisabeth en plaidait régulièrement la cause. Enseignement toujours avec les Olympiades de la Chimie dont l’Université de Pau a été le berceau : un délégation régionale à part entière y fut initiée en 1984 sous l’impulsion des Relations Scientifiques Extérieures du Groupe Elf Aquitaine qui souhaitait promouvoir les relations universités–entreprises, avec l’adhésion d’Elisabeth à la tête d’une équipe de chimistes enseignants–chercheurs à l’UPPA.

Mais mieux qu’un florilège des réalisations relevant de la relation université-industrie, l’exemple qui va suivre peut faire ressortir les constituants de la réussite.

«Du gaz naturel au soufre» était le titre du projet d’une unité d’exposition destinée au thème «TRANSFORMER» du concours organisé en 1982 par la Société Chimique de France, la Mission du Musée National des Sciences et de l’Industrie du parc de La Villette et l’Union des Industries Chimiques. Elisabeth en équipe avec des chercheurs en didactique de la chimie de la Faculté des Sciences et des étudiants de la Maîtrise Mesure et traitement des pollutions et Nuisances a pris en main le projet dans toutes ses implications : cautions et collaborations concernant le soufre, subventions, réalisations.

Ces dernières – documents audiovisuels, diaposons, diaporamas, maquettes, graphismes – ont été réalisées en partenariat avec le Centre Audiovisuel de l’UPPA, le Département Formation de la SNEA(P), Pyrénées Images et l’usine de Lacq. La Société Chimique de France et la Société Nationale Elf Aquitaine Production ont apporté les fonds indispensables. L’Institut du Soufre, la direction Soufre de la SNEA(P), la direction Développement et Travaux de la SNEA(P), par leurs cautions, ont donné au projet toute sa crédibilité.

Il s’agissait donc d’organiser le thème «TRANSFORMER» autour du SOUFRE. Les relations privilégiées que l’UPPA entretenait de longue date avec la SNEA(P) et un premier document pédagogique audiovisuel sur cet élément chimique furent à l’origine du projet. Celui-ci était ambitieux car il prévoyait une unité d’exposition, véritable médiathèque abritant notamment la maquette d’une coupe géologique avec puits de forage et proposant une ressource documentaire accessible au grand public. Il faisait la part belle pour son animation aux diaposons et diaporamas. Si en définitive il ne fut pas retenu par le jury du concours, il fut à l’origine d’une remarquable production audiovisuelle : on citera deux des 7 diaporamas réalisés – «Une usine et son environnement» et «Procès d’un polluant, le dioxyde de soufre» – dans la mesure où ils ont été primés. On retiendra que leurs auteurs y ont allié une approche scientifique rigoureuse à une approche industrielle de terrain, soutenues par un graphisme original où l’humour avait sa bonne part. Un graphisme et une esthétique redevables à l’équipe de graphistes de Bernard au sein du Département Formation de la SNEA(P).

Ce fut une des belles aventures du tandem Elisabeth-Bernard. Elle contient des éléments qui peuvent inspirer les protagonistes du partenariat UPPA-Complexe de Lacq, pour le meilleur bénéfice du Béarn.
Il faut ajouter que la réussite de ce partenariat singulier, parce que conjugal, a bénéficié certes de l’essor simultané de l’Université et de la SNPA mais aussi de l’appui d’un pouvoir local attentif à leurs initiatives
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